Se poser cette question, c’est aussi se demander, en écho, comment rendre l’étudiant infirmier actif dans son apprentissage. En effet, les étudiants ou apprentis infirmiers passent la moitié de leur formation en stage mais observer ne suffit pas pour apprendre. Pour qu’ils puissent se construire professionnellement, le tuteur a un rôle pédagogique qui va bien au-delà de relier les cours à la pratique et de transférer les connaissances acquises à l’IFSI (Institut de Formation aux Soins Infirmiers) aux réalités du terrain. Si il a pour mission de transmettre des savoirs-pratiques, le tuteur véhicule aussi des savoir-être. Entre contraintes de temps et responsabilité envers les patients, comment s’investir au mieux dans la fonction tutorale ? Une interrogation à laquelle nous apporterons des réponses en passant en revue les aspects organisationnels de la mission de tutorat ainsi que l’importance du relationnel dans l’acte de tutorer.

Tuteur : une mission définie dans les textes

Les étudiants en soins infirmiers passent la moitié de leur formation en stage encadrés par des professionnels de santé, parmi lesquels un tuteur référent. D’un point de vue législatif, la définition même de la mission de tutorat et de ses méthodes a fait l’objet d’une réforme en juillet 2009. Depuis lors, le tuteur est chargé non seulement de suivre l’étudiant stagiaire qui lui est confié, d’assurer sa formation dans le cadre de l’exercice de sa future profession mais aussi de l’évaluer et de le noter.

Tutorer un étudiant ou un apprenti requiert donc de l’expérience car le tuteur doit connaître et posséder les bases du métier, l’organisation de l’unité de soins, les techniques spécifiques à l’unité de soins, les compétences évaluables dans l’unité de soins, les situations prévalentes à l’unité de soins qui sont sources d’apprentissage ainsi que le contenu du référentiel de formation.

Le tutorat face aux contraintes professionnelles

Dans la pratique, le tutorat peut se heurter à quelques contraintes, à commencer par le manque de temps. Entre soins à prodiguer, patients à suivre et urgences à prendre en charge, trouver du temps à consacrer à la formation des stagiaires est parfois un défi. A cette problématique de disponibilité, peuvent également s’ajouter des contraintes liées au planning même du service.

Les étudiants ont bien conscience des difficultés que rencontrent leurs encadrants mais un stage qui se déroule dans de mauvaises conditions et cantonne le stagiaire à un rôle d’observateur peut avoir un effet dévastateur. Comment alors assurer aux stagiaires un cadre de stage favorable ?

Une question d’organisation

Définir les conditions de nomination

C’est évident, mieux le service est organisé et plus le rôle du tuteur sera facilité. Il s’agit donc, au sein de chaque unité, et même au niveau de l’établissement d’accueil, de réfléchir aux conditions de nominations des tuteurs.

Plusieurs hypothèses peuvent être envisagées à ce sujet. Identifier certains infirmiers pour encadrer les étudiants en dispensant les autres, confier la posture de tuteur à tour de rôle à chaque infirmier ou encore, créer des postes spécifiques d’infirmiers pour encadrer les étudiants, le tutorat devenant l’activité principale de ces infirmiers. Si à première vue, cette organisation semble répondre au caractère chronophage du tutorat, elle revêt certes des avantages mais aussi des inconvénients : le tuteur peut s’investir à temps plein dans sa mission d’accompagnement mais son expertise en termes de compétences et de pratiques professionnelles spécifiques à chaque unité sera dès lors moins précise.

Il apparaît par ailleurs qu’imposer le tutorat à un professionnel, même si l’encadrement des stagiaires fait partie intégrante des missions de l’infirmier, ne soit pas judicieux. La motivation du tuteur optimisera la qualité d’accompagnement de l’étudiant.

Cependant pour assurer le relais du tuteur en cas d’absence éventuelle et garantir le meilleur suivi possible, mieux vaut que l’ensemble du service soit mobilisé sur la question de l’encadrement.

Corréler compétences et situation de soins

Établir une corrélation entre les compétences et les situations de soins prévalant dans l’unité est une étape indispensable qui suppose souvent un choix négocié en équipe. Concrètement, il s’agit là de définir le type de patient accueilli, les pathologies prévalentes, les activités prévalentes de l’unité mais aussi les activités de soins en lien avec les différents corps de métiers et les collaborations incontournables avec les autres services.

Rappelons que le livret d’accueil de l’unité remis aux patients, la fiche « journée type » ainsi que le livret d’accueil avec l’encadrement sont des outils précieux qui s’avèrent très utiles dans cette phase préliminaire, gage de cohésion pour le suivi de l’étudiant par le tuteur.

Des objectifs partagés et clairement définis

Étudiants comme tuteurs s’accordent par ailleurs sur la nécessité de définir dès le premier jour un vrai parcours de progression, ponctué de bilans de mi-stage et de fin de stage. Si elles sont mal menées ou négligées, ces étapes peuvent en effet desservir l’expérience des élèves en soins infirmiers, d’autant plus lorsque ces stages s’étendent sur une courte durée. Les bonnes expériences de stage, donc les tutorats bien menés, s’expliquent grandement par un encadrement au point et des objectifs clairement définis.

Tuteur étude infirmier - AFPC Lille

L’importance du relationnel.

Une confiance mutuelle

La création d’une relation de confiance entre apprenant et encadrant est primordiale mais elle n’est pas à sens unique : elle se construit dans les deux sens. Elle passe en effet par la validation et l’observation du tuteur mais aussi par la capacité de l’étudiant à se remettre en question, à reconnaître qu’il a fait une erreur et à solliciter son tuteur quand il ignore comment faire quelque chose.

C’est de la qualité de cette relation que dépendra la marge de manœuvre que le tuteur va laisser à son étudiant.

Un véritable dialogue

Savoir observer l’étudiant et le guider dans ses gestes mais aussi s’adapter à son niveau d’expérience, à son âge et à son vécu, être à l’écoute et prendre en compte ses aspirations…le rôle de tuteur recouvre bien des besoins y compris celui de rassurer l’étudiant sur ses compétences quand il éprouve des difficultés. La mise en place d’un vrai dialogue s’avère ainsi primordiale dans une profession sans cesse confrontée à des problématiques douloureuses, tels que le décès des patients par exemple.

Donner un sens à son apprentissage

Pour que l’étudiant puisse construire ses compétences, il est important que le tuteur lui enseigne à la fois des savoirs techniques mais également un savoir-être en situation de travail. Cela signifie expliciter ses décisions et gestes pour pousser l’étudiant à se questionner, à s’interroger sur les pratiques professionnelles, à en comprendre l’intérêt et à savoir s’adapter à une nouvelle situation. En résumé, donner un sens à son apprentissage dans le but de faire s’approcher le tutoré de la professionnalisation et d’atteindre ce que l’on attend du métier d’infirmier : maîtriser l’art de bien poser le problème et le résoudre en direct.

Se former pour mieux former

Pour les infirmiers confirmés qui souhaitent devenir tuteur, il est tout à fait envisageable et même recommandé de suivre une formation au tutorat infirmier.

Formation Tuteur Infirmier

En conclusion, s’il peut paraître chronophage et nécessite de l’organisation, l’acte de tutorer revêt un caractère relationnel singulier pour les professionnels de santé qui, dans leurs fondements même, sont fortement imprégnées par la culture du don. La réflexion sur l’acte de tutorer commence d’ailleurs, dès l’entrée en études des futurs infirmiers. Les tutorés d’aujourd’hui étant les tuteurs de demain, raison de plus pour leur montrer le bon exemple !

 
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